Tout a commencé lorsqu’elle a senti l’eau
Cela frémissait, la caressait doucement
Elle ondulait dans une eau chaude et câline
Puis elle a senti la matière
C’était ferme et tendre à la fois
C’était autour de l’eau
C’était autour d’elle
Mais c’était aussi elle
Meï sentait l’eau douce qui entrait dans son corps
Lui offrant de délicieuses sensations
Des goûts de sucre, des goûts de sel
Et cette saveur exquise caressant son palais
Aux arômes délicats de noisette et chocolat
Dans cette bulle liquide elle se sentait curieuse
Avec ses petits doigts, de la paume de sa main
Elle apprenait beaucoup de choses
Meï touchait, pressait, caressait sa peau
Elle avait des bras, des jambes et une grosse tête
Tout cela rattaché à un petit ventre rond
À son ventre arrondi se trouvait accroché
Un drôle de tuyau qui sous ses doigts palpitait
Une source d’amour et d’énergie semblait le traverser
Afin de la nourrir et de la faire grandir
Comme c’était amusant de découvrir le monde !
Sentant sur son visage un petit creux charmant
Elle y glissa le pouce et téta goulûment
Un jour, elle entendit un bruit
Doux et régulier qui faisait
Pa Pom, Pa Pom et encore Pa Pom, Pa Pom
Et puis un autre bruit qui faisait
Garg glou, garg glou et encore garg glou, garg glou
Quelle cacophonie !
Ce qu’elle aimait le plus entendre
C’était le clapotis de l’eau
Parfois elle entendait aussi un murmure
Un chuchotement
“Je t’aime”
En elle, quelque chose gonflait de joie et faisait
Pa Pom, Pa Pom et encore Pa Pom, Pa Pom
Tous ces bruits, à présent, rythmaient son univers
Ça battait, gargouillait et murmurait des mots d’amour
C’était une musique qui la faisait danser
Meï roulait sur elle-même
Ondulait, gigotait, frétillait
Collait sa tête aux parois de sa bulle
Pour sentir la chaleur d’une caresse
Comme elle aimait ce monde !
Mais bien des mystères restaient à découvrir
Comme cet autre murmure qui résonnait parfois
Plus profond et plus grave
Se prénommant papa
Maman était tout autour de sa bulle
Elle la couvait comme un trésor
Sa voix s’écoulait dans les oreilles de Meï
Telle une source intarissable
Son cœur battait à l’unisson avec le sien
Et lorsque Maman chantait
Elle enfouissait son pouce dans le creux de sa bouche
Pour s’endormir paisiblement
Maman ronde et lisse comme la lune…
La lune ?
Ses mouvements comme le ressac de l’océan…
L’océan ?
Maman était un univers qui lui racontait des histoires
J’adore les histoires, se disait-elle
Papa était parfois tout à côté de Maman
Sa voix vibrait telle une caresse
Il aimait jouer avec elle
Appuyant sur le toit de sa bulle
Il pianotait d’un côté puis de l’autre
Comme pour l’inviter à le rejoindre
Meï poussait de son pied, de sa main
Collait sa tête contre la chaleur de papa
Papa lointain et brillant comme une étoile…
Une étoile ?
Papa chaud et puissant comme un soleil…
Un soleil ?
Papa était un mystère à découvrir
J’adore le mystère, se disait-elle
Au fil du temps Meï sentait sa bulle rétrécir
Ou bien était-ce elle qui grandissait ?
Elle commençait à comprendre qu’au-delà de son monde
Était un autre monde
Et plus elle grandissait
Plus elle ressentait les limites de son cocon
Un nouveau sentiment fit battre son cœur
Dans le creux de son ventre Meï avait peur
Mais lorsqu’elle entendait la musique et les rires
Les mots d’amour… Au-delà
La chaleur des caresses, les doux chatouillis
Le clapotis de l’eau … Au-delà
La petite fille retrouvait la joie
Et s’endormait paisiblement
Dans une dernière pirouette Meï choisit son nid
Elle se posa confortablement la tête en bas
Le dos lové au velours de sa bulle
Elle attendit
Patiemment que passe le temps
Elle sentait, goutait, touchait
Mais surtout écoutait
Ces murmures qui étaient devenus des mots
Ces mots qui racontaient des histoires
Comme l’aventure extraordinaire de Meï
Que je te lis en cet instant
Mais aussi des histoires de cet autre monde
Qu’elle allait bientôt découvrir
Dans ce cocon soyeux
Un jour, elle ouvrit les yeux
Sur une douce clarté
Veloutée, éphémère et sanguine
Elle sentait la lumière glisser dans son regard
Et réchauffer son être
Elle pouvait voir à l’intérieur de sa bulle
Meï tendit la main devant ses yeux
Comme c’était merveilleux !
La lumière venait d’au-delà, c’était sûr
Malgré sa peur et les battements dans son cœur
Elle était enfin prête pour cette grande aventure
Aller voir au-delà
Tel un bateau prit dans la tempête
Meï sentit sa bulle osciller, l’agiter, balloter
Elle n’avait plus le temps d’avoir peur
Le voyage avait déjà commencé
Elle se sentit chavirer
Une lumière éblouissante
Des mains qui la saisissent
Un vent glacé s’engouffre dans sa gorge
Elle pleure
Et puis la voix, les bras, l’odeur
Maman est là !
Elle murmure
Je t’aime mon bébé
Bienvenue chez toi